Nés au XIXe  siècle, ces établissements avaient presque disparu.

Ils reviennent en force partout en France depuis quelques années. Retour sur un phénomène.

Pour comprendre l’origine des bouillons, remontons à l’histoire du tout premier restaurant, lorsqu’un certain Mathurin Roze de Chantoiseau ouvre, en 1765, sa « maison de santé » près du Louvre, à Paris. Pour la première fois, le client peut y manger seul, à une table, et choisir son plat sur une carte. Spécialités du lieu : « les bouillons restaurant la santé », à l’origine du mot « restaurant ».

Presqu’un siècle plus tard, le boucher parisien Baptiste-Adolphe Duval a l’ingénieuse idée de remettre au goût du jour ces mêmes bouillons, mais pour nourrir les besogneux œuvrant dans le ventre de Paris, les Halles.

Des bouillons à la chaîne

En 1854, le boucher ouvre un établissement à Paris, rue de la Monnaie, où il propose aux travailleurs un repas unique, composé de bas morceaux de bœuf accompagnés d’un consommé nourrissant. Il venait de créer sans le savoir, le premier « bouillon » parisien et allait devenir la première grande fortune de la restauration !

La propreté des lieux et les prix toujours modestes assurèrent un franc succès à l’entreprise Duval, qui comptera bientôt une quarantaine de restaurants dans la capitale, mais aussi à Dijon, à Clermont-Ferrand, au Mont-Saint-Michel… Un empire qui fit bien des envieux : début XXe, on dénombre à Paris plus de 250 bouillons !

Retour aux sources

Alors qu’ils avaient presque disparu après la Seconde Guerre mondiale, détrônés par les brasseries, ils ont ressurgi ces dernières années à la faveur de l’inflation et d’un engouement certain pour la tradition et le retour aux sources. Dépoussiérés par une vague de restaurateurs bien ancrés dans leur époque, les bouillons d’aujourd’hui accommodent les grands classiques d’hier aux enjeux actuels. Ils continuent de fleurir dans la capitale, mais aussi dans de grandes villes en région.

L’inoxydable Bouillon Chartier, seul rescapé du XIXe siècle, a fait des petits. Il est concurrencé, entre autres, par les dynamiques Bouillon Pigalle (2017) et Bouillon République (2021), dont les propriétaires, Pierre et Guillaume Moussié, revendiquent haut et fort l’héritage des bouillons 1900 dans leur récent livre : Bouillon, les recettes culte.

Bon et tradition à la carte

Bon marché, bruyants et gais : tout est fait pour retrouver dans ces « néo-bouillons » l’atmosphère à la bonne franquette de leurs ancêtres, depuis l’architecture, les lustres, les grandes tablées, le ballet des serveurs, jusqu’à la carte proposant des plats canailles et de bonnes quilles à prix mini : indéboulonnable œuf mayo, poireau vinaigrette, bœuf bourguignon, steak frites, île flottante, profiteroles… et boissons (eaux, sodas, vins) servies « à la verse », du verre au jéroboam ! Quantités astronomiques pour assurer tarif bas et qualité, gestion des stocks, organisation au cordeau en cuisine comme au service : on reprend là les codes d’un Duval assurément visionnaire, dont le modèle retrouve sa vigueur d’autrefois.

Ne dit-on pas que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs… bouillons ?